L’église de Saint-Médard-d’Eyrans
Après une très longue période de troubles, et alors que la France «s’industrialise», l’Eglise connaît « une fièvre de reconstruction » et pense à la nécessité de relancer la foi catholique. Nous sommes à l’apogée du Second Empire.
1854 : les gros travaux de notre église de Saint-Médard-d’Eyrans sont terminés,
1857 : l’abbé Philippe Bonnin est nommé desservant du culte sur la paroisse. Il y restera pendant un demi-siècle, et tout près de là, la voie ferrée Bordeaux/Langon est en construction.
C’est une petite église surprenante : romane d’origine, elle le reste à l’extérieur, mais elle est typiquement XIXème pour le décor intérieur; elle présente plusieurs caractéristiques :
- excentrée du bourg, elle est perchée sur un tertre (où se trouvait le cimetière mérovingien du Vème au VIIIème siècles)
- il faut traverser le cimetière pour y accéder,
- les cloches sont à découvert sur un clocher-mur,
- à l’intérieur, on découvre une profusion déroutante d’inscriptions au trait rouge, très artistiques, un mobilier particulièrement important (pas moins de 524 éléments en pierre, bois ou ferronnerie).
La première église
La plus ancienne mention de la paroisse date de 1274.
A l’entrée de la Palu, près des Sables et d’un vieux moulin, on découvrit en 1785 les fondements d’une église qu’on prétendit être ceux de l’ancienne église de Saint-Médard-d’Eyrans. Elle fut transportée pierre par pierre en 1600 (à cause des inondations) et reconstruite à l’emplacement actuel.
Description
Elle est de style roman et n’a qu’une nef et un transept. Elle possède une belle abside, dont les pans droits sont séparés par des colonnes et soutenus par des contreforts. La corniche, formée d’une moulure sans sculpture est curieuse par son avancée sur les colonnes. Si les modillons ne sont pas sculptés, par contre les chapiteaux des colonnettes qui encadrent les trois fenêtres du chœur le sont très finement.
Dès l’entrée le regard est immanquablement attiré par les lumineux vitraux : ils sont datés de 1863 et signés par Feur ou Villiet. Ce qui frappe aussi, c’est l’abondance d’inscriptions lapidaires et de pierres murales. La décoration comporte aussi des céramiques représentant des oiseaux, des fleurs de lys, salamandres, feuilles de lierre, etc …
Les statues, en fine pierre blanche de Chauvigny, sont signées de E. Prévot (grand maître de la sculpture bordelaise au XIXème siècle). Les autels sont de Jabouin, l’orfèvrerie de Lethimonnier de Paris, les statues de Virebent de Toulouse.
Signalons aussi le grand nombre de blasons et écus (un total de 109 pour cette petite église !) dont l’ancien blason du village. (J-C Caron), dans le chœur, le Christ en Majesté est peint au centre d’une mandorle.
A l’extérieur : à l’est de l’édifice, des sarcophages paléochrétiens furent trouvés. En contrebas du tertre vers la Garonne, les somptueux sarcophages gallo-romains en marbre blanc de Paros furent mis à jour en 1805 et sont exposés au Musée du Louvre. Aussi au chevet de l’église, on trouve le tombeau de la famille De Sèze et, tout proche, celui de Mademoiselle De La Rochetière, fondatrice avec l’abbé Lespiaut, des Religieuses de Marie-Thérèse installées maintenant à Lyon.
Les croix de mission
Après la Révolution, une vague de rechristianisation s’est avérée nécessaire pour l’Eglise. Les implantations massives de croix de mission correspondent à cette vague.
De 1858 à 1888, avec l’abbé Bonnin, neuf croix ont été construites sur notre commune, une par hameau.
Très jolie promenade pour découvrir certains quartiers excentrés de Saint-Médard-d’Eyrans : l’itinéraire des croix de mission n’est pas toujours évident à repérer.
- 1. Place du 11 Novembre (1858)
- 2. Avenue de Baron (1859)
- 3. Rue des Fauvettes (1859)
- 4. Avenue du Sable d’Expert (1888)
- 5. Chemin des Marais (1860)
- 6. La Prade (1859)
- 7. Larchey
- 8. Larchey-Cantin (1859)
- 9. Les Brouilleaux (restaurée en 2006)
« Lors des fêtes religieuses, les croix de mission étaient transformées en reposoir : les croyants ornaient ces croix, de fleurs, de verdure, draperies ; une procession s’organisait depuis l’église : les petites filles habillées de blanc, marchaient devant en jetant des pétales de rose. Le prêtre venait ensuite avec le Saint Sacrement sous un dais aux draperies brodées d’or, porté par quatre hommes. La foule recueillie, priait et chantait des cantiques. Une halte, suivie d’une bénédiction, avait lieu à chaque reposoir. » (Gaston Farré)
«Depuis toujours, les fleuves ont ouvert une voie de pénétration facile dans les territoires anciens. Le chemin fluvial, ici la Garonne, favorisa la circulation et l’échange de biens matériels. Mais la création de la route nationale et ensuite celle des chemins de fer, ont réduit à presque rien le rôle de la Garonne et bouleversé toutes les données si stables pendant des siècles.»
(Olivier Coussillan, historien local)
Le chemin de fer : 31 mai 1855 à Saint-Médard-d’Eyrans
« Napoléon III, Second Empire : le grand bond en avant de l’économie française :
Louis-Napoléon se présentait volontiers comme un faiseur de miracles, seul capable par sa magie politique d’arracher la France à son inertie et aux vieux démons de la Révolution. L’Empereur comptait sur une nouvelle donne économique pour installer durablement le nouveau régime. Son pouvoir trancha en faveur du chemin de fer, écartant le plan concurrent des canaux, pour achever rapidement l’unification du marché national.
Par une politique de fusion des lignes concédées, il arbitra un partage des zones de trafic et procéda à l’intégration de tronçons, jusque-là isolés, dans un réseau cohérent.
En 1852, le chemin de fer avait construit 3 870 km de voies ferrées en France ; en 1870 on comptait 17 000 km de voies. »
C’est ainsi que le tronçon gare Saint-Jean-Langon (traversant Saint-Médard) fut mis en service le 31 mai 1855, prolongeant celui de Langon/Tonneins construit précédemment et inauguré le 04 décembre 1853, alors que Tonneins n’était relié à Valence d’Agen, via Agen que le 29 mai 1856.
C’est la compagnie des chemins de fer du Midi et du canal latéral à la Garonne, qui établit ainsi la ligne BORDEAUX/CETTE (« Cette » aujourd’hui est écrit Sète).
Le maire de l’époque, M.Despiot, accepta la notice descriptive du tracé du chemin de fer, qui outre l’apport économique dont les Saint-Médardais allaient bénéficier, changea significativement la vision paysagère du village et probablement certaines habitudes :
- la voie ferrée fut placée sur un remblai de 3 m à 4,33 m de hauteur selon le profil
- 4 passages à niveau furent mis en place avec les maisons pour les garde-barrières, qui relevaient et abaissaient manuellement les barrières (il n’en reste que deux en fonction et la maison située près de la gare a été rasée vers 1997)
- des fossés furent détournés
- un pont de 4m fut construit pour franchir un ruisseau
- des chemins ruraux furent
- 2 chemins latéraux furent mis en place
- des routes et des chemins furent déviés
- une gare fut construite au centre du bourg de l’époque
Plus tard, un embranchement particulier sera créé dans le prolongement de la gare, ainsi qu’un quai surélevé avec rampe d’accès pour charger et décharger. Une trentaine de personnes travailleront là. Des transporteurs viendront de tous les environs utiliser ce quai exceptionnel dans la région.
Le terrain facilite l’aire de stockage des poteaux de mine en pin des Landes. Plus tard, il permettra aussi le stockage de films de plastique, de pneus (qui servirent …la contrebande!!!). Des entreprises choisiront de s’installer sur le village du fait de ces facilités.
En 1989, la ligne T.G.V. Atlantique est inaugurée et mise en service : le train à grande vitesse passe, mais ne s’arrête pas à Saint-Médard-d’Eyrans.
Vers 1991, les petites gares sont désaffectées, la nôtre sera rachetée par la municipalité, qui la réhabilite en « Maison des Jeunes et des Associations ». La gare est remplacée un peu plus loin par un point d’arrêt non géré (PANG).
La route nationale fut la première voie transversale, qui coupa notre village, délimitant une zone viticole à l’ouest ; la voie ferrée fut la deuxième voie, parallèle à la précédente : elle sépare pratiquement le cœur du bourg d’une zone inondable à l’est.
La 1ère usine à Saint-Médard-d’Eyrans
L’usine Beaumartin profite de l’avènement des moyens de communication et de la voie ferrée.
L’origine de la société anonyme des établissements Beaumartin remonte à 1850. Propriétaire d’un domaine forestier dans les Landes, elle lutte contre le dépérissement des bois et s’intéresse à la conservation industrielle des poteaux de mine, en pin, qu’elle fournit à l’Angleterre.
Elle avait créé une 1ère usine à Pierroton en 1899, une 2ème en 1903 à Escalquens (Haute-Garonne). Avec l’avènement des moyens de communication, elle élargit son champ d’action sur les traverses en chêne, qui supportent les rails des voies ferrées et les poteaux porteurs des câbles de distribution de l’électricité et des P.T.T. (télégraphe et téléphone).
En 1913, elle s’implante à Saint-Médard-d’Eyrans, le long de la voie ferrée sur l’axe important Paris/Bordeaux//Sète, profitant d’un embranchement particulier qu’elle obtient en bout d’usine : dérivation d’une voie privée de 21 km, qui facilite les chargements et déchargements des bois.
Protéger le bois contre son dépérissement, ou bien utiliser ses remarquables propriétés naturelles pendant un temps aussi long que possible, tel était le principe utilisé par la seule usine installée sur Saint-Médard-d’Eyrans au début du XXème siècle et qui donna du travail à la population du village pendant plus d’un demi-siècle.
En 1949, une centaine d’ouvriers travaillaient là (souvent petits agriculteurs, qui cherchaient un complément de revenus) : le coltinage des poteaux et traverses se faisaient à l’épaule, travail ardu !
En 1956 les élévateurs facilitèrent ces manœuvres, mais supprimèrent 50 emplois. En 1970, ils n’étaient plus qu’une douzaine d’employés, bois des poteaux et traverses étant remplacés par le béton.
Aujourd’hui, c’est l’entreprise Lyonnet, qui a succédé à la société Beaumartin. Elle traite le bois en autoclave en employant…un seul homme ! La commune a racheté une partie des terrains pour agrandir l’école, le Cœur de Bourg s’est bâti dans le prolongement.
La Société Beaumartin, utilisa les techniques industrielles de l’époque contre l’action destructive des insectes xylophages et des microorganismes :
- pour les poteaux, support en bois fraîchement abattus : injection d’une solution aqueuse de sulfate de cuivre
- pour ceux séchés à l’air : immersion dans une solution aqueuse de bichlorure de mercure, après réchauffage des bois à la vapeur, ou bien imprégnation en vase clos sous pression d’une solution aqueuse de sulfate de cuivre, de créosote (huile de goudron de houille – pesticide et conservateur puissant du bois).
- pour les traverses sous rails : imprégnation de créosote, après dessiccation à l’air libre.
Les anciens Saint-Médardais se souviennent des émanations de créosote, qui couraient alors sur le village !