Les sarcophages de Saint-Médard-d’Eyrans
La commune est aujourd’hui privée de ses plus beaux vestiges archéologiques (les sarcophages). Elle peut néanmoins se consoler en pensant qu’ils ont les honneurs du Musée du Louvre.
Les tombeaux sont des monuments sacrés et religieux de la piété, de la vénération des peuples, pour la mémoire des hommes célèbres et vertueux.
L’usage des tombeaux remonte à la plus haute Antiquité. Les rois, humiliés du peu de durée de leur pouvoir sur terre, crurent en élevant leurs tombeaux jusqu’aux cieux, partager la puissance divine et commander encore, après leur mort, à l’imagination étonnée de tant de millions d’esclaves enchaînés pendant leur vie, sous le joug de leur domination tyrannique.
Aux pyramides succédèrent les mausolées, bâtiments somptueux, puis les sarcophages, enrichis de bas-reliefs et qu’on déposa dans des chapelles domestiques : monuments plus simples, mais tout aussi recommandables.
Nos deux sarcophages sont de magnifiques oeuvres de sculpteurs gréco-romains
L’art qui décorait ces nouveaux monuments avait pris naissance en Egypte, berceau des arts. Si l’Egypte fut le berceau des arts, la Grèce fut celui de l’esprit et du goût : les Grecs ont eu pour les arts une aptitude et un goût particuliers. Aussi portèrent-ils la sculpture à un degré de perfection tel, que leurs travaux en ce genre sont encore aujourd’hui des modèles inimitables.
Les ravages des guerres forcèrent ces artistes grecs à se réfugier à Rome. Les chefs romains ouvrirent la porte aux Beaux-Arts qu’ils avaient persécutés dans la Grèce. Fatigué sans doute des guerres, Sylla crut voir dans la culture des Beaux-Arts, une gloire et une jouissance paisible, dont il n’avait pas eu l’idée auparavant. Ces dispositions furent encore renforcées, par l’affluence des artistes grecs réfugiés à Rome.
Nous avons là, un point de départ pour suivre la sculpture jusqu’à l’époque où furent fabriqués les sarcophages de Saint-Médard-d’Eyrans. Ce ne fut point un artiste célèbre qui exécuta l’ouvrage, mais ce fut assurément un homme de génie qui le conçut.
Témoins de la découverte
La date de découverte des sarcophages variait entre 1804 et 1805. Or, un document mis à notre disposition par un descendant de Raymond De Sèze, avocat de Louis XVI, permet de dater définitivement cette magnifique trouvaille au 14 octobre 1804. Raymond De Sèze, témoin privilégié de la découverte en fait le récit à son frère aîné Paul Romain :
Saint-Médard ce dimanche 15 octobre 1804 :
« …nous avons eu hier matin tout près de chez Victor, le spectacle d’un monument superbe qu’on vient de découvrir dans un champ qui appartient à Camille Boval et qui est à côté de l’église d’Eyrans. Ce sont deux tombes de marbre blanc statuaire, longues de six pieds, hautes de trois et larges de deux, magnifiquement sculptées dans les bas-côtés et remontant aux Romains. Tu entendras sûrement parler de cette découverte qui est une des plus belles qu’on ait faite en France depuis des siècles… Je ne peux pas t’en parler avec détails mais c’est magnifique ! Et ce qu’il y a de plus étonnant, c’est que le champ qui renferme ce trésor a été labouré cent millions de fois et que ce n’est précisément qu’hier que l’araire du laboureur ayant rencontré quelque chose de dur, on a creusé et on a trouvé cet antique qui a tant de prix… »
Nota : la lettre mentionne comme propriétaire du champ un certain Camille Boval. Ce devait être le fermier, car il semble que le propriétaire du château Lamothe à l’époque, était Monsieur de Conilly.
Aussitôt, Paris dépêcha sur les lieux une commission de trois hommes : le baron Caïla, l’architecte Combes et le peintre Lacour. C’est ce dernier, qui fit les dessins, reproduits en gravures, des sarcophages et qui a donné les premières descriptions officielles.
Caractéristiques des sarcophages
Ces sarcophages sont en marbre de PAROS (île de la mer Egée) et la patine est ivoirine.
Dimensions :
- Longueur : 209 cm et 208 cm
- Hauteur de la cuve : 63 cm et 69 cm
- Hauteur totale : 95 cm et 98.5 cm
- Epaisseur du relief : 7 cm
La marque de fabrique ou de l’artisan sculpteur était gravée au dos du 2ème sarcophage (8 lettres grecques, seules les 6 premières subsistent encore.)
Ces sarcophages renfermaient chacun un squelette. Ils étaient destinés à de grands personnages. Ils devaient appartenir, d’après Caïla, à cette famille toute puissante des LEONCE-PAULIN, dont plusieurs membres avaient été honorés de la préture, de la préfecture du consulat.
La mythologie est tombée dans le discrédit : c’était une fable ingénieuse, un tableau rassurant, que la poésie offrait aux hommes pour balancer l’idée toujours effrayante de la mort.
Ces tableaux dateraient de la fin du IIeme siècle ou du commencement du IIIeme siècle : le premier bas-relief représente le sommeil d’ENDYMION, ou sommeil de la mort, exprimant le plus parfait bonheur. (ENDYMION est régulièrement visité par SELENE, aussi appelée DIANE). Le deuxième bas-relief est la rencontre de DIONYSOS et d’ARIANE, allégorie du sommeil de la mort, au réveil d’une nouvelle vie. ARIANE se réveillera pour devenir l’épouse du dieu DYONISOS et goûter toutes les joies de l’Olympe.
Les sujets représentés sur les sarcophages devaient correspondre aux goûts et à la vie du défunt. C’est ainsi que sur ces bas-reliefs se retrouvent, autour des dieux, tantôt des sujets bucoliques, tantôt des sujets de batailles. L’homme qui reposait dans le premier tombeau décrit, semble avoir voulu, après sa mort, revivre au milieu des troupeaux, des vignobles, des champs, des forêts, les plaisirs champêtres de sa vie terrestre et partager, avec Endymion, Dionysos et Diane, le bonheur complet promis aux élus dans les Champs-Elysées.
La qualité des deux œuvres est exceptionnelle tant par l’entassement des personnages, que par la multiplication des plans en hauteur comme en profondeur. Tant aussi par l’exécution du détail, que par la composition des tableaux. Ces merveilles taillées dans le marbre blanc, nous permettent de reconnaître que le génie des sculpteurs était inépuisable.
Où admirer ces sarcophages ?
Au Musée du LOUVRE, au département « Antiquités grecques et romaines ». Ils ont été achetés par le roi Louis XVIII en 1817, qui les a offerts à la ville de Paris.
Mais, la commune a chargé Tina Degas, sculpteur local, de réaliser une reproduction en plâtre, modèle réduit au quart, de ces sarcophages. Ils sont en exposition, dans la salle du conseil municipal, à la Mairie.
D’autres sarcophages, non sculptés, autour de l’église
Il y a bien d’autres sarcophages trouvés à Saint-Médard- d’Eyrans ou dans les environs, non sculptés, en calcaire dur de Saint-Macaire. Ils servent parfois d’abreuvoirs ou de jardinières! Ils n’ont aucune valeur en eux-mêmes, si ce n’est qu’ils prouvent l’importance du peuplement du village dans les premiers siècles de notre ère.
Le cimetière mérovingien se situait à l’est de l’église actuelle, à flanc de coteau. Selon certains auteurs anciens, trois de ces sarcophages découverts sans doute à la fin du XVIIIème siècle, sont visibles dans le cimetière. Mais en fait, aujourd’hui, ils ont été cassés et un seul est visible près de l’église. Parmi ceux qui ont été cassés ou qui ont disparu, l’un d’eux, estimé du VIIIème siècle portait, gravée, une croix pattée.
Un autre de ces trois sarcophages, daté du VIème siècle et découvert dans le jardin du presbytère contenait encore deux couteaux de fer et une pièce d’argent.
Dans un coin du cimetière, des restes de sarcophages brisés ont été trouvés au pied de l’église, près d’un endroit arboré de cyprès et où s’élevait un calvaire, sans doute un ossuaire, ou peut-être les tristes restes d’une épidémie de peste…